dimanche 15 février 2009

Referendum

Aujourd'hui 15 fevrier, le Venezuela doit se prononcer sur un referendum concernant la reelection indéfinie du president ainsi que tout autre élu de l'état.
Les resultats sont tombés...le oui a gagné malgrés une campagne du non trés active de l'opposition. Ce referendum n'aurait pas dû avoir lieu car la question avait déjà été traité lors d'un referendum en 2007. Un article de la constitution n'autorise pas deux referendums traitant de la même question durant la même legislature...mais Chavez est le grand commandant.

Voici un article paru le 14 fevrier sur le site internet du Monde sur la situation sécuritaire au Venezuela.


Caracas Envoyée spéciale

Le motard a reçu 11 balles, l'assassin a pris la fuite. Il était 22 heures, à Pinto Salinas, quartier malfamé de Caracas, raconte le policier Genaro, qui n'a pas tenté de rattraper le coupable. "Les voyous sont mieux armés que la police. Ils ont des AK 47, des FAL, des mitraillettes Uzi. Nous, on n'a que des vieux pistolets", explique-t-il en dégainant sa "Patte-de-chien", surnom local du Magnum 357.
"Tout le monde ici a peur", confie Katy Vacca, couturière à La Vega, un autre quartier fait de masures. Soixante-sept jeunes y ont été tués en dix ans, depuis l'arrivée de Hugo Chavez au pouvoir. "Le président s'en fout, le gouvernement ne fait rien et la police est pourrie", s'indigne Katy. L'opposition a fait de l'insécurité son cheval de bataille, lors de la campagne pour le référendum du dimanche 15 février sur la réélection illimitée du président.

"On comprend que les gens veulent maintenant se faire justice eux-mêmes", continue Katy. Début février, un violeur de 28 ans a été lynché et brûlé sous l'oeil satisfait des habitants de la rue Matanza, dans le sud de Caracas. Quand les caméras sont arrivées, des gens ont remis de l'essence sur le cadavre pour qu'il soit filmé en train de brûler.


Au classement de la violence, Caracas arrive en tête des villes d'Amérique latine, avec un taux annuel de 130 homicides pour 100 000 habitants (23 à Bogota). En 2008, la revue américaine Foreign Policy décernait à la capitale vénézuélienne le titre de ville la plus dangereuse du monde. Dans tout le pays, 14 700 personnes ont été assassinées en 2008, plus de 100 000 depuis que M. Chavez est au pouvoir, alors que les statistiques officielles n'incluent ni les victimes de violence domestique, ni les morts pour "tentative de résistance à l'autorité".

L'insécurité occupe le premier rang des préoccupations des Vénézuéliens, avant le coût de la vie et le chômage, tous les sondages le confirment. Pour Roberto Briceño Leon, de l'Observatoire vénézuélien de la violence, le discours incendiaire de M. Chavez, qui n'a de cesse de "valoriser et justifier la violence au nom de la révolution", a sa part de responsabilité. "Le président incarne la revanche sociale des démunis, estime Oscar Schemel de l'institut de sondages Hinterlaces. Son message a semé la haine dans les secteurs marginaux."

Groupes armésdirigeant certains quartiers

La présence de milliers d'armes illégales, le trafic et la consommation de drogue, l'impunité et la corruption au sein de la police alimentent l'insécurité. Citant un rapport officiel, Soraya El Achkar, du Réseau d'appui pour la justice et la paix, affirme que "dans plus de 20 % des délits et des crimes, un ou plusieurs policiers sont directement impliqués".

Le gouvernement rappelle que ces problèmes n'ont rien de nouveau. "La presse et l'opposition tentent de faire de l'insécurité un thème de campagne avant chaque élection", assure le général Alberto Muller Rojas, vice-président du Parti socialiste unifié du Venezuela, la formation de M. Chavez, qui balaye la question d'un geste.

Les quartiers populaires - base électorale du "chavisme" - sont pourtant les plus touchés par la délinquance. "La majorité des victimes sont des hommes entre 18 et 25 ans, habitants des quartiers déprimés. La majorité des délinquants aussi", souligne Mme El Achkar. "Chavez dit qu'il aime les pauvres, mais il nous laisse tuer", résume une voisine de Katy.

Comment expliquer l'incurie gouvernementale en matière d'insécurité ? "Tous les voyous sont chavistes. Le gouvernement ne veut pas y toucher", juge Katy. M. Chavez continue de nier la dimension du problème. Interrogé récemment par la chaîne américaine CNN, le chef de l'Etat affirmait que Caracas est plus sûre que Mexico ou Miami. "Le président reste convaincu que la violence est appelée à diminuer à mesure que s'améliorent les conditions de vie des plus démunis, note le père jésuite Jose Virtuoso. Le Venezuela contredit cette vision traditionnelle et simpliste de la délinquance urbaine, car le pouvoir d'achat des pauvres n'a cessé de progresser, depuis dix ans."

Faute d'accepter la dimension du problème et d'en comprendre la complexité, les autorités ont du mal à élaborer une réponse efficace. "Le gouvernement a multiplié les programmes sociaux en matière d'éducation et de santé, explique Soraya El Achkar. Mais la sécurité n'a pas été perçue, ni traitée comme un problème social. Aucune politique publique spécifique n'a été mise en place pour contrer la montée de l'insécurité urbaine."

Les hommes sont plus exposés. "Les délinquantes sont rares et les délinquants hésitent à s'en prendre à une fille", confirme le policier Genaro. Les femmes n'en payent pas moins le prix de l'insécurité. Restées seules, elles élèvent les enfants, font vivre tant bien que mal la famille... et votent.

Mme El Achkar a participé à l'élaboration de la nouvelle loi sur la police, qui tente d'unifier et de coordonner l'action des 126 corps de police qui existent dans le pays. A Caracas, chacun des cinq arrondissements a la sienne. Cette multiplicité favorise la corruption et les rivalités, et complique les contrôles. "La loi est un progrès, mais elle doit encore être mise en oeuvre", souligne Mme El Achkar.

A en croire un fonctionnaire, "Chavez est un militaire qui domine bien les casernes et mal sa police. Il craint la confrontation". Les observateurs s'accordent sur un point : "Paradoxalement, le colonel Chavez, qui s'est gagné une image de dictateur, n'est pas du tout répressif." Nombre de ses concitoyens le lui reprochent.
Marie Delcas